En avril 1787 UNE SOMMITE DE l'ALPINISME en randonnére dans l'Estérel
Horace Bénédict de SAUSSURE (1740 – 1799)
Ce jour-là, il reste encore quelques mètres pour ce grimpeur, déjà bien connu à l’époque, qui arrive péniblement (1) au sommet que parcourent maintenant des milliers de marcheurs (2). Depuis Fréjus, après une marche d’approche de 3h1/2, il est au pied « d’une montagne élevée ». S’il ne lui faut qu’une demi-heure pour en atteindre le col, il mettra près de 2 heures « à monter à la cime ». La faute à son guide, le Frère Calvi de Menton qu’il surnomme « l’Hermite des Cimes » qui « se trompa » de sentier, l’obligeant à traverser « ses horribles broussailles ».
Heureusement trois mois plus tard, le 3/08/1787, ce ne sera pas le cas, car il peut faire installer sa table de travail, au sommet du Mont Blanc, maintenant « que l’on connait le chemin ». En 1760, 27 ans plus tôt, il avait promis une prime pour celui, ceux qui trouveraient cet itinéraire. Cela avait réalisé, en 1786 le 8 Aout, par Jacques BALMAT et François PACCARD.
Eh oui, ce jeudi 26 avril 1787, c’est bien le physicien, géologue, botaniste, géographe, glaciologue, Horace-Bénédict de Saussure qui se trouve au sommet de ce qu’il « crois qu'il faut la nommer la montagne du Cap Roux... » (3). Avec son baromètre et l’hygromètre à cheveu, qu’il vient d’inventer, il calcule sa hauteur à « 231 toises » (soit 450m l’IGN retient 459m). C’est la même méthode qu’il utilisera pour déterminer une ’altitude de 2.450 toises (4.778m), soit moins de 40m d’erreur (!) pour le Mont Blanc (4.807m))
Grand voyageur, c’était comme « excursionniste, » arrivant de Gènes et retournant en Suisse, qu’il avait traversé avec sa famille le massif de l’Estérel. S’il décrira très bien le passage où guettent les malandrins (4) et leurs méthodes, c’est la botanique mais surtout la géologie qui le passionne. Il ne pouvait qu’être attiré par l’étude des roches de formes et de couleurs originales « de la Montagne qu’il faut traverser depuis Antibes pour aller à Fréjus ».
Ce précurseur de la géologie moderne étudie et s’interroge sur la nature exacte d’un grand nombre de roches inconnues qu’il découvre : Sont-elles volcaniques ? Lors de sa randonnée du 26, après le « moulin de Vaulongue » sur la « Moraine de Montan » il examinera longuement, décrira, dessinera de drôles de pierres poreuses à la forme et au contenu multicolores (page 255 § 1451). Il est très intrigué !
Disposant de quelques jours, ce qui n’avait pas été le cas lors de son premier voyage en 1780, il veut poursuivre ses recherches sur « l’extrémité de ce rameau des Alpes qui parcourt du Nord au Midi, la Provence Orientale ». Pour cela il « desirois de voir l’extrêmité de ce même rameau, dans l’endroit, où il pénètre le plus avant dans la Mer ». On lui conseille « la meilleure route pour y parvenir qui étoit de passer par l’Hermitage de la Sainte Beaume, qui est situé assez haut sur la pente de la montagne ». Durant « ce petit voyage » comme il qualifie sa randonnée, Il décrira en détails, paysages, roches et flore. « … accoutumé aux plantes des cimes froides de nos montagnes », il s’étonne de voir pousser une végétation abondante avec, arbousiers, cistes, asphodèles, laurier tin et une « tulipe sauvage que je n’avois jamais vue auparavant ».
Ses observations terminées, comme les visiteurs actuels, il décide « … Pour ne pas faire deux fois le même chemin, je tirai au Nord et je revins à l’Hermitage en passant par la chapelle… » qui est dans « une grotte …dans l’intérieur de la montagne… », « … ou l’on dit qu’à vécu St Honoré… » (5) et on lui montre « …le rocher sur lequel il dormoit, et où l’on croit voir encore l’empreinte de son échine, de sa tête et de ses pieds… ».
Maintenant il lui faut revenir à Fréjus, par le même chemin car il veut étudier plus précisément et à nouveau « … les champs couverts de pierres poreuses… ». Plus tard les géologues définiront ces géodes, extérieurement grossières mais qui cassées, révèlent les multiples couleurs décrites par notre géologue, comme étant des Lithophyses. (Voir sur le site : les Merveilles de l’Estérel).
Christian CHABERT
En Italique : Extraits du : « Tome 3 Voyage dans les Alpes : Second Voyage de Genève à Gênes par le Mont Cenis et retour de Gênes par la Provence.
Bibliographie :Bibliothèque Nationale de France*** Source gallica.bnf.fr
*****Ou l’on peut constater qu’en plus d’être un multi-scientifique, c’est un auteur complet qui rédige parfois avec humour.
N.B.
(1) Page 260 § 1457 : … « la beauté de la situation me dédommagea d’ailleurs amplement de mes fatigues. Je voyais déjà, comme sous mes pieds, une prodigieuse étendue de côtes, depuis le Cap du St Hospice, vis-à-vis de Villefranche, jusqu’au cap Taillat, les isles de Lérins, Antibes, le golfe de la Napoule, celui de Fréjus… » Plus loin, il détaille son intérêt pour les différentes géographies : la chaine calcaires qui part de Nice et passe au-dessus Grasse, se prolonge à l’Ouest et renferme la masse de montagnes primitives depuis Cannes jusqu’à Hyères (Massif des Maures). Son œil se repose avec plaisir sur la riche fertile vallée (plaine de l’Argens) qui sépare ces deux montagnes. Son regard revient ensuite « …avec admiration sur les cimes enneigées des Hautes Alpes qui couronnent au Nord tout cet amphithéâtre… ».
(2) Dans le cadre des études de fréquentation pour la mise en place du schéma d’accueil du public (SAP), on comptabilise en 2023 plus de 30.000 passages au sommet du Cap Roux et c’est plus de 100.000 visiteurs qui l’approche (Plateau d’Antheor, Sainte Baume.) … Sans parler des arrêts innombrables sur la Corniche d’Or.
(3) les cartes disponibles (Académie des sciences, d’autres cartes lui paraissent fausses, celle « … de DELAMARCHE semble correcte… ». L’Hermite lui confirme que sur les vieux actes, la chapelle porte le nom de « …Notre Dame du Cap Roux… ».
(4) En effet, c’était depuis sa grotte proche du Mont Vinaigre, que sévissait, à la même époque, le célèbre brigand Gaspard de Besse (sur Issole) (1757- 1781) et sa bande.
(5) Page 262 § 1459 : Ces descriptions faites sont intéressantes car d’une part elle conforte la présence en 1787, ET d’un Hermitage (construit en 1704 *) ET d’une chapelle mais qui est en réalité une grotte comme le constate H B de Saussure. (Ne pas confondre avec une chapelle encore visible sur des cartes postales début 1900). Plus intéressant, ce redoutable observateur dit y accéder : « …par un sentier rapide et par des escaliers taillés dans le roc … ». (En aucun cas il ne parle de la porte monumentale (7 mètres de haut) qui serait en conséquence plus « récente » que sa visite ! Une porte pour protéger la grotte oratoire ! depuis quand ????, Par contre, dessous, au pied de la falaise, d’un accès rapide et facile il y a la grotte dite de l’Hôspital. (Texte JUMAUD 1941) Superbes, sur le côté une suite des marches excavés dans la rocher menaient à un petit étage* Alors quelle grotte a visité notre Savant Alpiniste ?
Sources dans l’ordre : * Josette GUERIN, * JUMAUD 1941, * Paul COURBON – Chroniques souterraines, (Texte, croquis, photos).
Page 254 § 1450, il note simplement : « … on laisse à sa droite le village de St Raphaël … ».
Un village qui va bien changer avec l’arrivée des « touristes » de la Belle Epoque et la naissance de la Côte d’Azur, titre du livre (1887) descriptif de Stéphen LIEGARD (1830 -1925).
Mais revenons à deux autres sommités "alpines" en randonnée au sommet du Pic du Cap Roux avec des liens avec les rubriques :
*** E.A. MARTEL : Père de la Spéléologie, connu mondialement, un passionné de l’Estérel.
*** P. HELBRONNER : Un Alpiniste Topographe, Arpenteur des cimes des Alpes et de la Corse
*** VOIR LA CORSE : Pourquoi et comment on peut la voir depuis l’Estérel