AVANT, PENDANT ET APRES que s’est-il passé ?
L’Histoire de la construction du Massif de l'Estérel est riche et complexe.
Pour la découvrir dans un 360° de paysages, de formes et de couleurs, Il suffit d’une balade au plus haut sommet du Massif, le Mont Vinaigre,
Mais on ne peut se limiter à ne décrire QUE les séquences volcaniques de la « courte histoire géologique » qui a fabriqué ces roches « rouges ».
Car l’étude du volcanisme de l’Estérel, permet d’appréhender la très longue série d’évènements qui se sont enchainés durant des Millions d’Années). « Migration des plaques, effondrements, fractures, séparation et dérives de la Corse et de la Sardaigne, création de la Méditerranée, construction du Mercantour, des Alpes, édification des plateaux calcaires, conséquences d’importantes séries d’érosion, changements de direction des cours d’eau, des niveaux de la mer… ».
Après « début »de la Terre il y a 13,5 Milliards d’années, depuis le "Big Bang"
voici un résumé des principaux épisodes de cette aventure.
Que s’est-il passé dans les 700 derniers millions d’années
et comment appréhender les 25 MA d’intenses mais « courtes séquences volcaniques »
dans les 46 MA où elles se sont produites .
1. 700 MA à 560 MA : Vers 650 et 600 MA, Une accumulation de chaleur sous l’immense continent Rodinia, va provoquer sa fragmentation. Des morceaux de la croûte continentale vont commencer à dériver.
2. 560 à 440 MA : Ainsi, comme sur un tapis roulant, de nouveaux planchers océaniques se sont formés, migrent. C’est le mécanisme qui sera définit comme « le déplacement des plaques tectoniques ». Vers 560 MA se sont donc détachés de Rodinia et s’individualisent, trois masses continentales (Laurentia- Siberia et Baltica). Reste stationnaire, une quatrième grande masse continentale : Gondwana.
3. 440 à 380 MA : Enchainements de mouvements. Gondwana entame sa migration depuis le pôle Sud vers le Nord. Vers 380 Ma, l’ensemble des masses continentales se regroupent et c’est le début d’une collision entre Gondwana et Laurentia-Baltica.
4. 380 MA à 300 MA : Le rassemblement du puzzle a généré la création d’un mégacontinent la Pangée. La collision se termine. Elle a provoqué la formation d’une énorme chaîne de montagnes dite Hercynienne (ou Varisque). Elle va subir une érosion progressive. Sa branche Est se situe à la place du futur bassin occidental de la Méditerranée. Se mettent en place la plupart des roches cristallines qui formeront le socle hercynien des Maures du Tanneron (et du Mercantour). Visible sur le terrain, celui-ci est constitué de terrains métamorphisés et plissés (orogenèse varisque, -400 à -300 Ma). Ces roches (gneiss, mica schistes et autres) sont le résultat de la transformation de roches sous-jacentes portées à forte pression et hautes températures. Ce socle subit également des intrusions de granit.
5. 360 MA à 286 MA : Localement, le socle, va subir au début de la période dite Carbonifère une phase compressive qui provoque des effondrements, des rifts orientés nord-sud. Tout proche, spectaculaire, sera le fossé du futur Reyran. Il va se remplir de sédiments détritiques amenés par des cours d’eau. Des lagunes ou des lacs se forment et ils vont être remplis de débris organiques provenant de forêts faites de plantes proches des fougères. De 320 à -300 MA, l’évolution de dépôts sera à l’origine de schistes houillers exploités jusque dans les années 1950.
6. 286 MA Un régime extensif produit de nouvelles failles, dites « permiennes » orientées Est-Ouest. C’est par elles que se fera le volcanisme. En venant recouper celles plus anciennes Nord-Sud, les masses principales sont maintenant divisées en de multiples « blocs ». Comme des touches de pianos, tous les mouvements tectoniques qui vont suivre feront que ceux-ci vont s’affaisser ou remonter. Bombements, effondrements ou inversions compliqueront la future lecture du paysage « local ».
7. 286 MA à 240 MA : Une des originalité de l’Estérel est de combiner à la fois : Des arrivées de magmas de compositions distinctes, cela de manières différentes (et avec parfois des masses colossales) et un contexte tectonique singulier. Celui-ci va permettre un volcanisme bimodal. C’est-à-dire la combinaison de différents volcanismes, synchrones. En effet, il y aura bien sûr et surtout pour l’essentiel, les projections de magmas très acides : Des Rhyolites (Ignimbritiques ou Fluidales) qui formeront les reliefs. Mais au début du cycle volcanique, s’étaient produites des émissions de Basaltes (peu acides) (Avellan, Maure Vieil), comme il y aura au final une nouvelle phase basaltique (avec de l’Hawaïtte du volcan d’Aiguebonne ou de Mugéarite issues de cheminées d’Agay et de Castelli). Cette fin du volcanisme de l’Estérel, s’accompagne aussi d’une phase trachytique. C’est un magma dit intermédiaire (car moyennement acide) qui refroidira en prismes (Batterie des Lions, Maure Vieil).
8. NB : La coupe simplifiée du professeur Marc BOUCARUT regroupe, représente dans l’ordre chronologique, la succession de cycles et les matériaux, mais pas les lieux d’émissions, de dépôts. (Pour cela voir le focus, les détails du volcanisme permien de l’Estérel).
9. 240 MA : Le volcanisme extrusif est terminé. Les blocs de l’Estérel se sont édifiés SUR le socle « Maures Tanneron ». Le mégacontinent Pangée avait commencé à se fracturer en deux parties au profit d’un océan Téthys et d’un autre océan qui se met en place SUR ce qui sera plus tard la Provence.
10. NB : Environ moins de 50 MA ont préparées les bases d’un panorama, qui sera composée de divers ensembles. Maures, Esterel, Tanneron formeront une unité très spécifique, la Provence Cristalline : Elle est séparée des futures vastes étendues calcaires qui vont l’entourer, par un profond fossé permien. Il va sur 100km, de Cannes à Toulon. Une longue période d’érosion, de destruction du socle va commencer. Sédimentations et métamorphismes vont constituer en milieu lacustre ou aérien des dépôts de matériaux. Brèches de pentes, conglomérats de débris et de pierres arrondies seront visibles alors que les roches calcaires marines ou lacustres seront érodées par la suite. Les cours d’eau coulent du Sud vers le Nord. Débris et coulées de boues formeront le Rocher de Roquebrune (sur Argens).
11. 248 MA à 70 MA Les bords de l’Océan Téthys, n’ont pas cessé de s’écarter jusque vers 130 MA. *** Ce rifting va avorter. C’est une inversion des mouvements, avec une phase compressive, qui sera le moteur de l’orogénèse Alpine, La plaque Europe va être enfoncée par un morceau de la plaque Afrique (qui remonte vers le Nord). Ce morceau sera baptisé Adriatique. Des parties entières continentales et de plancher océanique vont ainsi disparaître dans la fosse de subduction. Certaines couches océaniques vont au contraire passer au-dessus et finalement chevaucher des couches continentales. C’est le mécanisme d’obduction. Au loin, c’est la collision entre le bloc Ibérique et l’Europe qui donne naissance à la chaîne des Pyrénées et des chaînons provençaux. Par ailleurs, les distensions liées à l’ouverture de l’océan Atlantique, vont entrainer la formation d’une dépendance : l’océan Alpin (ou Thétys ligure). Il sera un peu plus au Nord que ce bassin qui constitue aujourd’hui le Massif de l’Estérel.
12. Retour en arrière 55 MA à 35 MA : Déclenché par tous ces mouvements tectoniques, un épisode volcanique imprévu se produit dans l’Estérel : C’est un magmatisme intrusif qui va créer une énorme « bulle » de Pluton. L’érosion fera apparaitre une roche, très dure, qui permettra l’ouverture de carrières importantes (Dramont, Caous, Boulouris). De couleur bleue, (Blave en provençal qui donnera le nom d’une pointe). Unique au monde, elle sera naturellement baptisée du nom du massif, c’est l’Estérellite. Autre conséquence, c’est un accident majeur qui affecte le Rastel d’Agay et le Cap du Dramont et provoque vraisemblablement l’effondrement du volcan (type Stromboli) dit d’Aiguebonne.
13. 70 MA à 30 MA. De lentes et puissantes poussées s’exercent sur les roches formées au Secondaire, en les comprimant. C’est La Poussée alpine. La fermeture totale de la Téthys alpine (Environ 30 MA à 5,3 MA) entraine diverses conséquences.
14. 20 MA à 10 MA : Par un mécanisme très complexe (hypothèse récente), le bloc corso-sarde se détache et pivote. La Thétys est remplacée par la mise en place de deux bassins : Occidental (la Mer Ligure) puis Oriental. (La Mer Tyrrhénienne).
15. 5,8 MA à 5,3 MA : Ces deux mers vont s’assécher suite à la fermeture du détroit de Gibraltar (mouvements des plaques). Le débit des cours d’eau, des fleuves comme le Rhône (ou comme le Nil) sont insuffisants, le niveau baisse de plus 2000m. Au début du Pliocène, le détroit de Gibraltar se réouvre brutalement, permettant aux eaux de l’Océan Atlantique le remplissage de ces étendues devenues très salées.
Voici l’Ere Quaternaire :
2,6 MA à aujourd’hui : Avec la dérive des continents, la tendance était à un lent refroidissement des climats. La première glaciation étendue marquera le début du Quaternaire C’est la période géologique la plus récente de l’histoire de le Terre. Elle est caractérisée
* Par l’apparition des premiers humains dans l’Estérel dont les traces sont datées de – 15.000/ =+ ou – 450 ans dans les Baumes de la Bouverie (Roquebrune sur Argens)e l’Estérel (où sur les plateformes alluviales comme celle proche du Gratadis (Saint Raphaël).
*Des cycles glaciaire/interglaciaire répétées, qui ont fortement influencé les montagnes et leur environnement et le niveau de la mer, accélérant ou ralentissant l’érosion.
Vers 2 MA : Le « vieux » continent Tyrrhénéen s’effondre, mettant en place « notre » mer Méditerranée. Son niveau va varier de plus ou moins 120 mètres en fonction des périodes glaciaires.
o L’ensemble Maures Estérel Tanneron qui la borde, sont des restes de ce vieux continent avec désormais séparées par les eaux, d’autres restes, les iles d'Hyéres
o D’autres vestiges, Corse, Sardaigne, et plus loin d’autres iles, une partie de la Sicile ou les Baléares (qui profitent comme la Corse de modifications, d’ajouts géologiques).
o Au Sud, Il surplombe de grandes profondeurs.
o Sur les autres côtés, il est séparé par le fossé permien Cannes /Toulon rempli de sédiments, des massifs calcaires, certains élevés, qui formeront la Provence Calcaire.
o Par opposition, le relief de cet ensemble baptisé Provence cristalline est modéré. Elle a été été usée par l’érosion, seuls les sommets très durs, comme les rhyolites, les grés de l’Estérel, subsistent.
o En particulier, création de golfes, de Saint Tropez , de Fréjus, qui s’enfoncent profondément dans les terres puis se rempliront de sédiments apportés par des fleuves côtiers (dont l’Argens, le Reyran, le Gratadis…)
o 21 000 ans à 8000 Une dernière grande glaciation. Les preuves scientifiques situent le niveau de la mer à moins 112m de celui actuel.
o 6 000 ans Naissance des deltas en Méditerranée, dont celui de l’Argens alors 1.500 ans plus tôt une liaison Méditerranée – Mer Noire se produit.
· Le Volcanisme Bimodal, se matérialise concrètement sur le terrain par des empilements de couches volcaniques différentes, séparées par des épaisseurs sédimentaires et autres. Cette superposition en millefeuilles constitue la stratigraphie de l’Esterel. (Un bel exemple assez complet, la coupe simplifiée des couches du Mont Vinaigre et de ses environs).
o Types de roches :
o Basaltes : Comme au pied du lac de l’Avellan et surtout de pâte noire – de l’Hawaïtte, dans les rochers proches de la plage d’Aiguebonne. Cristaux dont le feldspath parfois visible. Très apparents, enchâssés, dans la pâte, des bombes volcaniques et aussi des blocs de rhyolite, rouge « arrachés » lors des éruptions.
o Andésites : Gris foncé, présentes à Agay et Le Muy.
o Rhyolites : Soit Ignimbritique, soit fluidale, (une des originalité du Massif) sa composition est de faite de Phénocristaux de quartz (noirs) et de feldspath (blancs). « Phéno » parce qu’ils sont visibles dans un pâte cristalline, généralement plutôt grise. Ici elle est teintée par de l’oxyde de fer (Hématite), ce qui en fait une autre des spécificités de l’Estérel,
o Tufs et Cendres : Formations comme celle de Bayonne.
o Trachytes : Plutôt rosées avec un grain fin, les cristaux ne sont pas visibles (essentiellement feldspath alcalin et pauvre en silice) En prismes spectaculaire, comme à la Batterie des Lions ou au Mont Pellet.
o Grés : Sédimentaires, plutôt marrons, dont ceux très, travaillés par l’érosion, rendant apparentes de belles pierres rondes, dans des formes parfois étonnantes, le long des plages de Boulouris.
· Phénomène rare : Après 185 millions d'années de calme, un volcanisme avorté a produit une roche bleue, unique baptisée Estérellite (en 1896). Mise à jour par l’érosion à la Pointe de la Pierre Blave, en prismes où sculptée par les vents : des Taffonis.
Autres mécanismes : Bien comprendre tous ces mouvements d’ouvertures ou de fermetures des plaques tectoniques : Des rifting massifs, de la compression Hercynienne au Carbonifère à la distension au Permien de la Pangée qui s’érode. Les déplacements, rotations de la plaque africaine, l’ouverture de l’océan atlantique.
Ces caractéristiques permettent de différencier les grandes familles de roches volcaniques sur le terrain. Le paysage actuel de l'Estérel témoigne de ces événements géologiques variés, avec des formations rocheuses uniques et des structures volcaniques visibles lors des randonnées.
UN CALENDRIER GEOLOGIQUE : Si l’on ramène l’aventure de la Terre à 1 an, ses 13,5 milliards d’années à 365 jours depuis le Big Bang, 1 milliard d’années c’est 24 jours et 1 jour ne représente que 41 millions d'années.
Ainsi 1 million d’années c’est 36mn et il a donc fallu, dans la comparaison avec le temps géologique nécessaire pour la « construction » du Massif de l’Estérel, l’épisode volcanique a duré environ 12 heures….
SOURCE Extrait du : Calendrier des principaux évènements de l'histoire de l'Univers et de la Terre (depuis le Big Bang) répartis sur une année Pierre Thomas
Laboratoire des Sciences de la Terre, ENS de Lyon
UN PANORAMA pour mieux voir et comprendre
Une histoire géologique d’exception
D DEPUIS le Mont Vinaigre en regardant (De droite vers la gauche directions et ensembles simplifiés) :
ð Vers le Sud, il y a 248 MA : On aurait pu distinguer, un large fossé Est Ouest qui séparait la partie principale du Massif (en simplifiant) du futur « bloc corso-sarde ». Celui-ci n’avait pas encore entamé sa « migration » qui sera suivie d’une rotation.
ð Aujourd’hui
ð Vers l’Ouest, les restes du massif des Maures auquel se rattachent les iles de Porquerolles, Port-Cros et Ile du Levant
ð Il y a 248 MA, Les cours d’eau coulaient du SUD vers le NORD. Les apports de coulées de boues sédimentaires vont par exemple former le rocher de Roquebrune sur Argens. Un conglomérat de roches provenant de la désagrégation du Massif des Maures avec essentiellement une abondance de débris volcaniques de l’Estérel.
ð Vers le Nord, séparé par vallée sédimentaire de l’Argens, les entablements de l’énorme coulée de Rhyolite (A 7) longue depuis la Napoule et visible jusqu’au gorges de Pennafort. Puis, elle devient invisible, recouverte par les sédiments, jusqu’au Luc.
ð Plus proche : le lac de l’Avellan et les traces des premières éruptions, faite de basaltes.
ð En continuant la rotation, à nos pieds, le massif de Tanneron, qui constitue le prolongement oriental des Maures
ð L’énorme effondrement, de Cannes à Toulon, rempli de sédiments, que surplombent les grandes formations calcaires qui vont de Grasse à Digne.
ð Vers l’Est, derrière les calcaires de Nice, le Massif granitique du Mercantour.
ð Au fond, on devine l’Italie avec Vintimille, le golfe de Gênes, posés sur la plaque tectonique l’Adriatique », la subduction continue
ð Par beau temps, tôt le matin, au loin La Corse, devenue une île « montagne » avec, du côté de Bavella, un morceau de l’Estérel.
ð En revenant vers le Sud, bordant la mer, de gauche à droite, la Caldeira de Maure Vieil, formée par l’effondrement du volcan suite au vidage de sa chambre magmatique, puis la belle ligne de sommets rhyolitiques : Pic de l’Ours, Cap Roux, Saint Pilon et Rastel d’Agay.
ð A droite de la baie d’Agay, le Cap du Dramont et les carrières d’Estérellite, la pointe de la Pierre Blave. A droite de l’île d’Or, la mer : Plus de trace du volcan d’Aiguebonne.
ð Au final, La pointe de la batterie des Lions, ses prismes de Trachyte, le lion de Terre, le lion de Mer.
ð Dans les collines au-dessus de Saint Raphaël, celle de Saint Sébastien, avec sa dalle sur laquelle sont encore visibles les traces de passages que des Tétrapodes ont laissées, entre deux éruptions, il y a 265/ 255 MA environ.